

J'enfilais mon tablier avant de me laver les mains, Sebastian me rejoignait avec les ingrédients tout en les posant sur notre plan de travail. On avait pu faire connaissance durant les dernières séances et j'avais découvert quelqu'un de très gentil et attentif. Mais aujourd'hui, j'avais en tête de trouver des réponses et savoir si oui ou non, il avait un lien avec Morgan.
Je m'emparais d'un grand saladier et des ingrédients nécessaires, aujourd'hui, on apprenait à faire des choux à la crème. J'entamais la préparation de la pâte à choux alors qu'il s'occupait de la crème pâtissière. J'étais concentrée dans mon plat quand soudainement il décidait de s'amuser à me mettre de la crème sur le nez, je ripostais en lui en mettant sur la joue, j'essayais de camoufler mes rires pour ne pas risquer de nous faire prendre, seulement, il en avait décidé autrement. Il m'encerclait de son bras libre pour m'empêcher de bouger alors que de l'autre, il s'emparait d'une poignée de crème avant de me l'étaler sur le visage, un cri de surprise dépassait la barrière de ma bouche, cri qui n'échappait pas à notre professeur.
-Non mais vous voulez que je vous aide dans le fond ? S'écria-t-il.
Je baissais la tête en me retenant de rire du mieux que je pouvais, Sebastian à mes côtés avait plus de mal alors qu'il me lançait des regards complices.
-Désolé Monsieur, c'est de ma faute. Lança-t-il finalement.
-Nettoyez-moi tout ça et restez concentrés !
Sebastian s'emparait alors d'un mouchoir avant de m'aider à retirer la crème de mon visage, il me souriait tendrement puis on continuait notre recette avec un peu plus de sérieux. C'est à ce moment que je décidais de me lancer.
-Au fait, je t'ai jamais demandée, tu as des frères et s½urs ?
D'accord, j'aurais pu faire mieux, mais entamer les conversations n'était pas vraiment mon fort.
-Non, je suis fils unique.
-J'aimerais bien des fois ne pas être fille unique. Pas toi ?
-Si, je vis seul avec ma mère et elle n'a trouvé personne, donc oui, ça fait vide parfois.
-Tes... tes parents sont divorcés ?
-C'est ça, il y a environ trois ans. Fit-il, un brin de nostalgie dans la voix.
-Est-ce que... je peux te demander pourquoi tu n'as pas choisi ton père ? Hésitais-je.
-Tu es bien curieuse ! Rit-il. Je n'ai pas de très bons rapports avec lui depuis le divorce, pour être honnête, je ne lui ai plus reparlé depuis. Il nous a abandonné ma mère et moi.
-Abandonné ?
-Oui, et pour une ado qu'il ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve en plus !
Un mal commençait à s'installer en moi, j'avais comme cette impression que plus la conversation avançait, plus il confirmait mes doutes.
-Pourquoi abandonner pour une ado ?
-Mon père s'occupe des mineurs en difficulté, la fille avait perdu sa mère et son père avait été envoyé je ne sais où, du coup, il a été choisi pour être responsable d'elle. Au début, ça allait bien, on le voyait souvent, on avait toujours cette vie de famille, tu vois. Mais petit à petit, il s'éloignait de nous, il s'occupait H 24 de cette fille en nous disant qu'elle avait besoin de lui, qu'elle avait plus de difficultés que prévu. J'avais quinze ans à cette époque, c'était super dur pour moi de voir mon père porter plus d'attention à une inconnue plutôt qu'à son propre fils.
-Et tu l'as déjà vu cette fille ?
-Non, je ne voulais pas, je n'avais que de la haine envers elle, de la haine pour m'avoir enlevé mon père.
-Et... tu la détesterais toujours si tu la voyais maintenant ? Ou même ton père ?
-Sans doute, c'est difficile à dire. Je n'arrive pas à digérer cette séparation, ma mère encore moins. Je ne sais pas comment je réagirais en le voyant, ça fait tellement longtemps.
-Je vois, c'est compliqué... Soufflais-je. Il s'appelle comment ?
-Morgan !
Ma main qui remuait la préparation s'arrêtait net, j'avais le regard vide, je me sentais mal. Maintenant, je pouvais en être sûr, c'était bien son fils. J'étais choquée, oui, choquée d'apprendre tout ça. Apprendre que j'étais en grande partie la cause du déchirement d'une famille. C'était de ma faute... Oui, de ma faute...
-Ça va ? T'es toute blanche. Fit-il en posant sa main sur mon front.
-Hein ? C'est rien, je suis juste un peu... fatiguée. Tentais-je de le rassurer.
-Il faut dormir la nuit ! Lança-t-il d'un léger rire.
Je souriais nerveusement avant de continuer ma pâte. L'heure qui suivait était passée silencieusement et mon mal-être n'était malheureusement pas parti. La sonnerie retentissait, on rangeait nos affaires avant de sortir de la salle.
-Bon, à la semaine prochaine Lolita ! Repose-toi bien ! Lança-t-il en m'ébouriffant les cheveux.
Je le regardais partir du lycée en compagnie des élèves qui avaient fini leurs journées. La mienne n'était pas encore terminée, mon heure de colle avait été fixée pour aujourd'hui. Je partais en direction de la salle d'études d'un pas lourd, encore bouleversée par cette révélation. Une fois dans la classe, je m'installais près d'une fenêtre, seulement trois ou quatre élèves y étaient ainsi que le surveillant. Ambre faisait alors son entrée, sans même un regard vers moi, elle s'installait du côté opposé.
-Bien, je veux le silence complet ! S'écria le surveillant d'un ton autoritaire.
Je sortais mes cahiers afin de commencer mes devoirs, mais j'étais incapable de me concentrer, mes pensées étaient portées sur Morgan et Sebastian. Le nez dans mon cahier, je commençais à somnoler, plus de vingt-quatre heures que je n'avais pas dormi, j'arrivais au bout de mes forces. Les lignes écrites sur ma page commençaient à devenir floues, elles se mélangeaient entres-elles, je n'arrivais plus à distinguer les lettres.
-Mlle Allister ! Vous dormirez chez vous !
J'échappais un sursaut puis me frottais les yeux avant de me remettre droite sur ma chaise. C'est alors qu'une voix s'élevant dans le couloir attirait mon attention. Il me semblait que c'était celle de la directrice.
-C'est inadmissible ! Lança-t-elle, en colère.
Elle entrait en furie dans la salle, le chignon décoiffé et les poings serrés.
-Thomas, je t'emmène ces deux élèves ! Figure-toi que je les ai trouvés dans le couloir, prêt à se battre !
C'est alors qu'elle incitait deux jeunes à entrer dans la salle en les poussant à l'intérieur. Je fus surprise en voyant débarquer dans la pièce Nathaniel, sa cravate de travers et le col de la chemise légèrement froissé. À ses côtés se tenait Castiel, les sourcils froncés et sa veste en cuir mal mise.
-Castiel j'en ai assez de tout ce raffut à ton sujet ! Tu prends un avertissement ! Au bout de trois, c'est le conseil de discipline ! S'écria la directrice, hors d'elle. Quant à toi Nathaniel, je suis très déçue de ton comportement ! Vous resterez tous les deux une heure ici ! Et je ne manquerais pas d'en informer vos parents !
C'est sur ses paroles qu'elle retournait sur ses pas, encore plus en furie qu'avant. L'avertissement ne semblait pas perturber Castiel qui avait toujours un air renfrogné au visage.
-Allez vous asseoir, et je ne veux pas vous entendre ! Lança le dénommé Thomas toujours avec ce même air autoritaire.
Nathaniel s'installait sans ronchonner dans la rangée de devant, Castiel lui lançait un regard noir avant de s'avancer dans l'allée, il me jetait un regard en passant à mes côtés puis s'installait dans le fond de la salle. Je me posais beaucoup de questions. Qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'ils en viennent à se battre ? Ils se détestaient au point de se sauter à la gorge ?
Je posais mes yeux sur le paysage extérieur, le ciel éclaircit faisait place à la nuit alors qu'une fine pluie venait s'écraser sur la vitre, laissant une atmosphère maussade avec elle. Petit à petit, mes yeux se fermaient, puis je me laissais emporter par le sommeil tant désiré.
...
-Mlle Allister !
Je me réveillais d'un sursaut avant de regarder tout autour le moi, le regard brouillé. La salle était vide, Thomas se tenait face à moi, les poings sur ma table.
-Quand même ! Ça a sonné depuis dix minutes, sors d'ici et que je ne te recroise pas de sitôt !
Je rassemblais mes affaires avant de sortir en vitesse du lycée, à l'extérieur, il faisait nuit noire, la pluie tombait toujours autant et le vent frais me faisait frissonner. Je marchais dans les rues humides avant d'emprunter le chemin du parc, près de la fontaine, une mère attendait sous un parapluie avec son petit garçon. Mes pas se stoppèrent, je les regardais en plissant des yeux, ou plutôt, je regardais ce qu'il y avait juste derrière eux. Deux ombres noires flottant dans les airs s'étaient glissées dans leurs dos. Pourquoi des corbeaux volaient autour d'eux ? Je fronçais les sourcils, il y avait des mains noires tentant d'arracher l'enfant de la femme.
-Maman, pourquoi elle me regarde ? Demandait le garçon, confus.
Je riais alors à voix haute, ils essayaient de l'arracher à sa mère et il me demandait pourquoi je le regardais ? Il ne les voyait pas ?
-Maman, j'ai peur ! Pourquoi elle rigole ? Lança-t-il en s'accrochant au bras de sa mère.
La femme collait son fils contre elle tout en me regardant, les sourcils froncés.
Des démons, ici ! Là-bas ! Des démons ! Partout ! Murmurait alors l'ombre derrière la mère.
Je regardais tout autour de moi, je voyais des centaines de corbeaux voler au-dessus de ma tête.
Ma chérie, regarde-moi, ça sera bientôt fini. Lançait la deuxième ombre qui se trouvait derrière l'enfant.
Je m'attrapais les cheveux tout en la regardant. Qu'est-ce qui sera bientôt fini ? Je voyais alors un corbeau se poser sur l'épaule du petit.
Mon ange, je suis ta mère. Tu ne me reconnais pas ? Ajouta-t-elle en s'approchant de moi.
Tue-la ! Tue-la ! Me criais soudainement une voix dans mon dos.
Mon souffle se saccadait. J'entendais des voix rigoler.
Quelle abrutie ! Se moquaient-elles encore et encore.
Je regardais la mère du garçon en pleurant. Je ne comprenais plus rien. Je fermais les yeux, me prenant la tête entre les mains. J'entendais des voix, je voyais des silhouettes noires, elles avaient des poignards, elles torturaient des bestioles, elles voulaient que je me joigne à elles.
Lolita, mon ange ! Sanglotait celle qui prétendait être ma mère
-Va-t-en ! Ils veulent que je te tue ! Criais-je, la voix cassée par mes sanglots.
Tu as peur ? Tu ne veux pas tuer et mourir ? Tu es inutile ! Continuaient de se moquer les autres voix.
Inutile !
Inutile !
Inutile !
-Arrêtez ! Criais-je.
Plus elles le répétaient, plus elles rigolaient fort. Les silhouettes balançaient les poignards dans ma direction. J'hurlais de terreur tout en ouvrant les yeux, espérant les voir disparaître. La mère s'emparait du bras de son fils avant de partir en vitesse du parc, effrayée. Je regardais autour de moi, paniquée, tout était parti, il n'y avait plus rien, je n'entendais plus leurs rires diaboliques, les corbeaux ne volaient plus au-dessus de moi. Aucune trace de poignards ou autres silhouettes.
Je m'effondrais au sol, tremblotante et les yeux remplis de larmes. Jamais je n'avais vu de telles choses, mon corps se crispait, j'étais en état de choc. Je cherchais tant bien que mal mon portable dans mon sac avant de composer le numéro de Morgan. Il décrochait après quelques secondes.
-Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ?
-Viens me chercher... Soufflais-je faiblement.
-Lolita ? Où es-tu ? S'écria-t-il, paniqué.
-Le... le parc.
-J'arrive tout de suite ! Fit-il avant de raccrocher.
Je lâchais mon portable au sol. Les gouttes de pluie glissaient le long de mon corps, mes vêtements étaient trempés, mais je restais immobile, les yeux dans le vide. Quelques minutes passèrent avant que je n'entende Morgan accourir vers moi, une lueur inquiète dans sa voix qui criait mon prénom.
-Lolita ? Mais enfin qu'est-ce que tu fais là ? Tu es trempée !
Il tentait de me relever, mais je n'avais plus aucune force dans les jambes, incapable de mettre un pas devant l'autre. Il passait un bras dans mon dos et sous mes jambes afin de me porter et partir en direction de la maison. Une fois à l'intérieur, il me posait sur le canapé avant de courir me chercher une couverture qu'il enroulait soigneusement autour de mon corps frêle et frissonnant. Il se plaçait face à moi, mais mon regard fixait un point invisible, j'étais comme vide.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Me demanda-t-il.
J'aurais voulu lui dire, lui déballer tout ce que j'avais vu, lui crier ma souffrance, mais je restais muette, les mots me restaient coincés au fond de la gorge.
-Tu as vu des choses ? Entendu des choses ?
Oui Morgan, oui, j'avais entendu des choses horribles, vue des choses que tu n'oserais même pas imaginer dans tes pires cauchemars. Des choses que je ne souhaiterais même pas à ma pire ennemie.
-Réponds-moi... Murmura-t-il.
Crois-moi, j'aimerais tout te dire. Je ne pouvais pas, je n'y arrivais pas, les mots refusaient de sortir. Une larme coulait le long de ma joue, il s'empressait de l'essuyer d'un geste doux.
-Bon, repose-toi, on verra tout ça demain. D'accord ? Fit-il en me caressant la joue.
Devant mon silence, il se levait, me déposait un baiser sur le front avant de monter à l'étage. Je restais immobile quelques minutes avant de m'assoupir, morte de fatigue.
Je m'emparais d'un grand saladier et des ingrédients nécessaires, aujourd'hui, on apprenait à faire des choux à la crème. J'entamais la préparation de la pâte à choux alors qu'il s'occupait de la crème pâtissière. J'étais concentrée dans mon plat quand soudainement il décidait de s'amuser à me mettre de la crème sur le nez, je ripostais en lui en mettant sur la joue, j'essayais de camoufler mes rires pour ne pas risquer de nous faire prendre, seulement, il en avait décidé autrement. Il m'encerclait de son bras libre pour m'empêcher de bouger alors que de l'autre, il s'emparait d'une poignée de crème avant de me l'étaler sur le visage, un cri de surprise dépassait la barrière de ma bouche, cri qui n'échappait pas à notre professeur.
-Non mais vous voulez que je vous aide dans le fond ? S'écria-t-il.
Je baissais la tête en me retenant de rire du mieux que je pouvais, Sebastian à mes côtés avait plus de mal alors qu'il me lançait des regards complices.
-Désolé Monsieur, c'est de ma faute. Lança-t-il finalement.
-Nettoyez-moi tout ça et restez concentrés !
Sebastian s'emparait alors d'un mouchoir avant de m'aider à retirer la crème de mon visage, il me souriait tendrement puis on continuait notre recette avec un peu plus de sérieux. C'est à ce moment que je décidais de me lancer.
-Au fait, je t'ai jamais demandée, tu as des frères et s½urs ?
D'accord, j'aurais pu faire mieux, mais entamer les conversations n'était pas vraiment mon fort.
-Non, je suis fils unique.
-J'aimerais bien des fois ne pas être fille unique. Pas toi ?
-Si, je vis seul avec ma mère et elle n'a trouvé personne, donc oui, ça fait vide parfois.
-Tes... tes parents sont divorcés ?
-C'est ça, il y a environ trois ans. Fit-il, un brin de nostalgie dans la voix.
-Est-ce que... je peux te demander pourquoi tu n'as pas choisi ton père ? Hésitais-je.
-Tu es bien curieuse ! Rit-il. Je n'ai pas de très bons rapports avec lui depuis le divorce, pour être honnête, je ne lui ai plus reparlé depuis. Il nous a abandonné ma mère et moi.
-Abandonné ?
-Oui, et pour une ado qu'il ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve en plus !
Un mal commençait à s'installer en moi, j'avais comme cette impression que plus la conversation avançait, plus il confirmait mes doutes.
-Pourquoi abandonner pour une ado ?
-Mon père s'occupe des mineurs en difficulté, la fille avait perdu sa mère et son père avait été envoyé je ne sais où, du coup, il a été choisi pour être responsable d'elle. Au début, ça allait bien, on le voyait souvent, on avait toujours cette vie de famille, tu vois. Mais petit à petit, il s'éloignait de nous, il s'occupait H 24 de cette fille en nous disant qu'elle avait besoin de lui, qu'elle avait plus de difficultés que prévu. J'avais quinze ans à cette époque, c'était super dur pour moi de voir mon père porter plus d'attention à une inconnue plutôt qu'à son propre fils.
-Et tu l'as déjà vu cette fille ?
-Non, je ne voulais pas, je n'avais que de la haine envers elle, de la haine pour m'avoir enlevé mon père.
-Et... tu la détesterais toujours si tu la voyais maintenant ? Ou même ton père ?
-Sans doute, c'est difficile à dire. Je n'arrive pas à digérer cette séparation, ma mère encore moins. Je ne sais pas comment je réagirais en le voyant, ça fait tellement longtemps.
-Je vois, c'est compliqué... Soufflais-je. Il s'appelle comment ?
-Morgan !
Ma main qui remuait la préparation s'arrêtait net, j'avais le regard vide, je me sentais mal. Maintenant, je pouvais en être sûr, c'était bien son fils. J'étais choquée, oui, choquée d'apprendre tout ça. Apprendre que j'étais en grande partie la cause du déchirement d'une famille. C'était de ma faute... Oui, de ma faute...
-Ça va ? T'es toute blanche. Fit-il en posant sa main sur mon front.
-Hein ? C'est rien, je suis juste un peu... fatiguée. Tentais-je de le rassurer.
-Il faut dormir la nuit ! Lança-t-il d'un léger rire.
Je souriais nerveusement avant de continuer ma pâte. L'heure qui suivait était passée silencieusement et mon mal-être n'était malheureusement pas parti. La sonnerie retentissait, on rangeait nos affaires avant de sortir de la salle.
-Bon, à la semaine prochaine Lolita ! Repose-toi bien ! Lança-t-il en m'ébouriffant les cheveux.
Je le regardais partir du lycée en compagnie des élèves qui avaient fini leurs journées. La mienne n'était pas encore terminée, mon heure de colle avait été fixée pour aujourd'hui. Je partais en direction de la salle d'études d'un pas lourd, encore bouleversée par cette révélation. Une fois dans la classe, je m'installais près d'une fenêtre, seulement trois ou quatre élèves y étaient ainsi que le surveillant. Ambre faisait alors son entrée, sans même un regard vers moi, elle s'installait du côté opposé.
-Bien, je veux le silence complet ! S'écria le surveillant d'un ton autoritaire.
Je sortais mes cahiers afin de commencer mes devoirs, mais j'étais incapable de me concentrer, mes pensées étaient portées sur Morgan et Sebastian. Le nez dans mon cahier, je commençais à somnoler, plus de vingt-quatre heures que je n'avais pas dormi, j'arrivais au bout de mes forces. Les lignes écrites sur ma page commençaient à devenir floues, elles se mélangeaient entres-elles, je n'arrivais plus à distinguer les lettres.
-Mlle Allister ! Vous dormirez chez vous !
J'échappais un sursaut puis me frottais les yeux avant de me remettre droite sur ma chaise. C'est alors qu'une voix s'élevant dans le couloir attirait mon attention. Il me semblait que c'était celle de la directrice.
-C'est inadmissible ! Lança-t-elle, en colère.
Elle entrait en furie dans la salle, le chignon décoiffé et les poings serrés.
-Thomas, je t'emmène ces deux élèves ! Figure-toi que je les ai trouvés dans le couloir, prêt à se battre !
C'est alors qu'elle incitait deux jeunes à entrer dans la salle en les poussant à l'intérieur. Je fus surprise en voyant débarquer dans la pièce Nathaniel, sa cravate de travers et le col de la chemise légèrement froissé. À ses côtés se tenait Castiel, les sourcils froncés et sa veste en cuir mal mise.
-Castiel j'en ai assez de tout ce raffut à ton sujet ! Tu prends un avertissement ! Au bout de trois, c'est le conseil de discipline ! S'écria la directrice, hors d'elle. Quant à toi Nathaniel, je suis très déçue de ton comportement ! Vous resterez tous les deux une heure ici ! Et je ne manquerais pas d'en informer vos parents !
C'est sur ses paroles qu'elle retournait sur ses pas, encore plus en furie qu'avant. L'avertissement ne semblait pas perturber Castiel qui avait toujours un air renfrogné au visage.
-Allez vous asseoir, et je ne veux pas vous entendre ! Lança le dénommé Thomas toujours avec ce même air autoritaire.
Nathaniel s'installait sans ronchonner dans la rangée de devant, Castiel lui lançait un regard noir avant de s'avancer dans l'allée, il me jetait un regard en passant à mes côtés puis s'installait dans le fond de la salle. Je me posais beaucoup de questions. Qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'ils en viennent à se battre ? Ils se détestaient au point de se sauter à la gorge ?
Je posais mes yeux sur le paysage extérieur, le ciel éclaircit faisait place à la nuit alors qu'une fine pluie venait s'écraser sur la vitre, laissant une atmosphère maussade avec elle. Petit à petit, mes yeux se fermaient, puis je me laissais emporter par le sommeil tant désiré.
...
-Mlle Allister !
Je me réveillais d'un sursaut avant de regarder tout autour le moi, le regard brouillé. La salle était vide, Thomas se tenait face à moi, les poings sur ma table.
-Quand même ! Ça a sonné depuis dix minutes, sors d'ici et que je ne te recroise pas de sitôt !
Je rassemblais mes affaires avant de sortir en vitesse du lycée, à l'extérieur, il faisait nuit noire, la pluie tombait toujours autant et le vent frais me faisait frissonner. Je marchais dans les rues humides avant d'emprunter le chemin du parc, près de la fontaine, une mère attendait sous un parapluie avec son petit garçon. Mes pas se stoppèrent, je les regardais en plissant des yeux, ou plutôt, je regardais ce qu'il y avait juste derrière eux. Deux ombres noires flottant dans les airs s'étaient glissées dans leurs dos. Pourquoi des corbeaux volaient autour d'eux ? Je fronçais les sourcils, il y avait des mains noires tentant d'arracher l'enfant de la femme.
-Maman, pourquoi elle me regarde ? Demandait le garçon, confus.
Je riais alors à voix haute, ils essayaient de l'arracher à sa mère et il me demandait pourquoi je le regardais ? Il ne les voyait pas ?
-Maman, j'ai peur ! Pourquoi elle rigole ? Lança-t-il en s'accrochant au bras de sa mère.
La femme collait son fils contre elle tout en me regardant, les sourcils froncés.
Des démons, ici ! Là-bas ! Des démons ! Partout ! Murmurait alors l'ombre derrière la mère.
Je regardais tout autour de moi, je voyais des centaines de corbeaux voler au-dessus de ma tête.
Ma chérie, regarde-moi, ça sera bientôt fini. Lançait la deuxième ombre qui se trouvait derrière l'enfant.
Je m'attrapais les cheveux tout en la regardant. Qu'est-ce qui sera bientôt fini ? Je voyais alors un corbeau se poser sur l'épaule du petit.
Mon ange, je suis ta mère. Tu ne me reconnais pas ? Ajouta-t-elle en s'approchant de moi.
Tue-la ! Tue-la ! Me criais soudainement une voix dans mon dos.
Mon souffle se saccadait. J'entendais des voix rigoler.
Quelle abrutie ! Se moquaient-elles encore et encore.
Je regardais la mère du garçon en pleurant. Je ne comprenais plus rien. Je fermais les yeux, me prenant la tête entre les mains. J'entendais des voix, je voyais des silhouettes noires, elles avaient des poignards, elles torturaient des bestioles, elles voulaient que je me joigne à elles.
Lolita, mon ange ! Sanglotait celle qui prétendait être ma mère
-Va-t-en ! Ils veulent que je te tue ! Criais-je, la voix cassée par mes sanglots.
Tu as peur ? Tu ne veux pas tuer et mourir ? Tu es inutile ! Continuaient de se moquer les autres voix.
Inutile !
Inutile !
Inutile !
-Arrêtez ! Criais-je.
Plus elles le répétaient, plus elles rigolaient fort. Les silhouettes balançaient les poignards dans ma direction. J'hurlais de terreur tout en ouvrant les yeux, espérant les voir disparaître. La mère s'emparait du bras de son fils avant de partir en vitesse du parc, effrayée. Je regardais autour de moi, paniquée, tout était parti, il n'y avait plus rien, je n'entendais plus leurs rires diaboliques, les corbeaux ne volaient plus au-dessus de moi. Aucune trace de poignards ou autres silhouettes.
Je m'effondrais au sol, tremblotante et les yeux remplis de larmes. Jamais je n'avais vu de telles choses, mon corps se crispait, j'étais en état de choc. Je cherchais tant bien que mal mon portable dans mon sac avant de composer le numéro de Morgan. Il décrochait après quelques secondes.
-Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ?
-Viens me chercher... Soufflais-je faiblement.
-Lolita ? Où es-tu ? S'écria-t-il, paniqué.
-Le... le parc.
-J'arrive tout de suite ! Fit-il avant de raccrocher.
Je lâchais mon portable au sol. Les gouttes de pluie glissaient le long de mon corps, mes vêtements étaient trempés, mais je restais immobile, les yeux dans le vide. Quelques minutes passèrent avant que je n'entende Morgan accourir vers moi, une lueur inquiète dans sa voix qui criait mon prénom.
-Lolita ? Mais enfin qu'est-ce que tu fais là ? Tu es trempée !
Il tentait de me relever, mais je n'avais plus aucune force dans les jambes, incapable de mettre un pas devant l'autre. Il passait un bras dans mon dos et sous mes jambes afin de me porter et partir en direction de la maison. Une fois à l'intérieur, il me posait sur le canapé avant de courir me chercher une couverture qu'il enroulait soigneusement autour de mon corps frêle et frissonnant. Il se plaçait face à moi, mais mon regard fixait un point invisible, j'étais comme vide.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Me demanda-t-il.
J'aurais voulu lui dire, lui déballer tout ce que j'avais vu, lui crier ma souffrance, mais je restais muette, les mots me restaient coincés au fond de la gorge.
-Tu as vu des choses ? Entendu des choses ?
Oui Morgan, oui, j'avais entendu des choses horribles, vue des choses que tu n'oserais même pas imaginer dans tes pires cauchemars. Des choses que je ne souhaiterais même pas à ma pire ennemie.
-Réponds-moi... Murmura-t-il.
Crois-moi, j'aimerais tout te dire. Je ne pouvais pas, je n'y arrivais pas, les mots refusaient de sortir. Une larme coulait le long de ma joue, il s'empressait de l'essuyer d'un geste doux.
-Bon, repose-toi, on verra tout ça demain. D'accord ? Fit-il en me caressant la joue.
Devant mon silence, il se levait, me déposait un baiser sur le front avant de monter à l'étage. Je restais immobile quelques minutes avant de m'assoupir, morte de fatigue.

Vendredi 7 novembre
J'arrivais dans la cour du lycée, emmitouflée dans ma grosse écharpe. Ce matin en me levant, Morgan avait essayé de me reparler.
-Yo ! Lolita !
Seulement, j'avais été une fois de plus incapable de lui répondre. Comme si quelque chose m'empêchait de parler de ce qui s'était passé hier.
-Eh ! Tu m'écoutes ?
Il m'avait conseillé de rester pour me reposer à la maison aujourd'hui, mais j'étais pourtant partie en cours, toujours avec ce même regard vide.
-Mais enfin, ne m'ignore pas !
J'entrais dans le couloir du lycée, marchant comme un robot. Avant de partir, Morgan m'avait dit de rentrer à midi, et que je n'irais pas au lycée cet après-midi, car il avait pris un rendez-vous pour moi.
-Tu as reçu mon sms hier ? Pourquoi tu me parles pas ?
Seulement, je ne savais pas où et ça me rendait nerveuse. À l'hôpital peut-être ? Pour me gaver de médicaments ? J'approchais de ma salle de classe, j'entrais avant de m'installer à ma place. J'avais une boule au ventre, son rendez-vous m'inquiétait.
-Lolita, est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Tu m'en veux ? Parle-moi !
Mes yeux fixaient le tableau vide en face de moi, quelque chose me secouait l'épaule, mais je ne réagissais pas. Je me sentais emportée ailleurs, dans mon monde.
-Qu'est-ce qu'il t'arrive Rosalya ?
-Elle m'ignore complètement, je comprends pas. J'ai l'impression d'avoir fait un truc de mal !
-Elle ne t'a pas adressé la parole ?
-Non ! Tu penses que j'ai fait quelque chose de mal Lysandre ?
-Je ne sais pas, je ne pense pas.
-Eh Castiel !
-Quoi ?
-Tu veux pas essayer de lui parler ? S'il te plaît !
-Pourquoi ?
-Elle refuse de me parler !
-Inquiète-toi alors.
-C'est pas drôle ! Qu'est-ce que tu crois que je fais depuis tout à l'heure ?
Leurs voix me montaient à la tête, me donnant un mal de crâne, puis j'entendais un soupir, suivi d'une odeur de cuir pénétrant mes narines.
-Eh ! Gamine !
Le ton de sa voix me laissait croire qu'il avait dit ça de façon taquine. Enfin, ce long silence en disait long et j'en déduisais qu'ils attendaient une réaction de ma part. Incapable, je voulais, mais j'en étais incapable. C'est alors qu'un flash me traversait l'esprit, je revoyais une silhouette, munie d'un poignard, puis une ombre, m'alertant de la présence des démons. J'échappais un sursaut alors que mes yeux s'écarquillaient, fixant un point invisible.
-D... Démon. Soufflais-je d'une petite voix.
-Eh ben, je pensais pas que mon chien avait autant marqué ton esprit !
Je laissais mes yeux glisser dans ses prunelles grises, toujours avec cette même lueur effrayée. Il avait un sourire narquois aux lèvres, mais il disparut deux secondes plus tard, pour laisser place à une expression d'interrogation. Une larme que j'aurais voulu retenir coulait le long de ma joue, il fronçait les sourcils alors que je sentais mon amie se coller à moi.
-Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? Lança-t-elle, inquiète.
-À vos places tout le monde ! Le cours commence ! S'écria une voix.
Je détachais vivement mon regard de lui pour le planter sur ma table, il partait à sa place sans un mot. Là, tout de suite, j'aurais voulu m'échapper, me cacher, mais j'en étais incapable, oui, incapable, une fois encore...
-Ouvrez vos livres page 215 !
Un brouhaha envahissait la classe, on pouvait entendre des livres s'entrechoquer contre les tables, des pages se tourner, des chuchotements accentuant mon mal de tête.
-Lolita, tu peux nous lire le texte de la page ?
J'étais nerveuse, je repensais à Morgan, où est-ce qu'il allait m'emmener ?
-Lolita ?
Je ne voulais pas aller à l'hôpital, ça me faisait peur. Tous ces spécialistes qui pensaient savoir quelque chose de ce que j'endurais, ils étaient stupides. Pour eux, ils suffisaient simplement de me droguer avec leurs médicaments pour que tout aille mieux.
-Lolita ?
Je sursautais avant de relever vivement la tête vers Mr Faraize.
-Hein ?
-Je t'écoute.
-Je... je ne sais pas. Soufflais-je.
-Tu ne sais pas quoi ? Je t'ai juste demandé de lire le texte.
J'entrouvrais la bouche, ne comprenant rien. Quel texte ? Je posais mes yeux sur ma table, je n'avais aucun livre devant moi, ni même un cahier ou une trousse. Je regardais les autres élèves, nerveuse, qui eux s'impatientaient ou alors haussaient un sourcil, se demandant ce qu'il m'arrivait.
-Je peux le lire monsieur ? Fit Rosalya.
-Oui, vas-y.
Je m'enfonçais dans ma chaise, embarrassée. Qu'est-ce qu'il me prenait ? Et pourquoi je sentais un regard pesant sur moi ?
...
Adossée au mur devant le lycée, j'attendais Morgan dans le froid. Rosalya avait tant bien que mal essayé de me parler tout le long de la matinée, et ce n'est pas que je ne voulais pas, mais je ne pouvais pas lui répondre. Ma tête était ailleurs, comme si mon esprit avait été emporté loin, très loin d'ici. J'étais vide. Je regardais les élèves passer devant moi, je me sentais invisible à leurs yeux. Un fin nuage frôlait alors mon visage, accompagné d'une forte odeur de nicotine. Je tournais lentement la tête, ses cheveux rouges, ses traits fins et durs à la fois, ses yeux d'un gris à vous en faire frissonner. Il se tenait là, une cigarette se consumant entre ses lèvres, les écouteurs dans les oreilles et le regard perdu dans l'horizon. Puis, sans même un coup d'½il vers moi, il retirait un de ses écouteurs avant de me le tendre, je le prenais, effleurant sa main froide. Fermant les yeux, je me laissais emporter par cette douce mélodie. "Creep", cette chanson me parlait, elle me disait à quel point j'étais bizarre, que je n'avais rien à faire là. I'm a creep, I'm a weirdo, oui, je suis bizarre, je suis une cinglée. Je veux un corps parfait, je veux une âme parfaite, j'espère être spéciale, mais je suis une cinglée.
A suivre...
J'arrivais dans la cour du lycée, emmitouflée dans ma grosse écharpe. Ce matin en me levant, Morgan avait essayé de me reparler.
-Yo ! Lolita !
Seulement, j'avais été une fois de plus incapable de lui répondre. Comme si quelque chose m'empêchait de parler de ce qui s'était passé hier.
-Eh ! Tu m'écoutes ?
Il m'avait conseillé de rester pour me reposer à la maison aujourd'hui, mais j'étais pourtant partie en cours, toujours avec ce même regard vide.
-Mais enfin, ne m'ignore pas !
J'entrais dans le couloir du lycée, marchant comme un robot. Avant de partir, Morgan m'avait dit de rentrer à midi, et que je n'irais pas au lycée cet après-midi, car il avait pris un rendez-vous pour moi.
-Tu as reçu mon sms hier ? Pourquoi tu me parles pas ?
Seulement, je ne savais pas où et ça me rendait nerveuse. À l'hôpital peut-être ? Pour me gaver de médicaments ? J'approchais de ma salle de classe, j'entrais avant de m'installer à ma place. J'avais une boule au ventre, son rendez-vous m'inquiétait.
-Lolita, est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Tu m'en veux ? Parle-moi !
Mes yeux fixaient le tableau vide en face de moi, quelque chose me secouait l'épaule, mais je ne réagissais pas. Je me sentais emportée ailleurs, dans mon monde.
-Qu'est-ce qu'il t'arrive Rosalya ?
-Elle m'ignore complètement, je comprends pas. J'ai l'impression d'avoir fait un truc de mal !
-Elle ne t'a pas adressé la parole ?
-Non ! Tu penses que j'ai fait quelque chose de mal Lysandre ?
-Je ne sais pas, je ne pense pas.
-Eh Castiel !
-Quoi ?
-Tu veux pas essayer de lui parler ? S'il te plaît !
-Pourquoi ?
-Elle refuse de me parler !
-Inquiète-toi alors.
-C'est pas drôle ! Qu'est-ce que tu crois que je fais depuis tout à l'heure ?
Leurs voix me montaient à la tête, me donnant un mal de crâne, puis j'entendais un soupir, suivi d'une odeur de cuir pénétrant mes narines.
-Eh ! Gamine !
Le ton de sa voix me laissait croire qu'il avait dit ça de façon taquine. Enfin, ce long silence en disait long et j'en déduisais qu'ils attendaient une réaction de ma part. Incapable, je voulais, mais j'en étais incapable. C'est alors qu'un flash me traversait l'esprit, je revoyais une silhouette, munie d'un poignard, puis une ombre, m'alertant de la présence des démons. J'échappais un sursaut alors que mes yeux s'écarquillaient, fixant un point invisible.
-D... Démon. Soufflais-je d'une petite voix.
-Eh ben, je pensais pas que mon chien avait autant marqué ton esprit !
Je laissais mes yeux glisser dans ses prunelles grises, toujours avec cette même lueur effrayée. Il avait un sourire narquois aux lèvres, mais il disparut deux secondes plus tard, pour laisser place à une expression d'interrogation. Une larme que j'aurais voulu retenir coulait le long de ma joue, il fronçait les sourcils alors que je sentais mon amie se coller à moi.
-Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? Lança-t-elle, inquiète.
-À vos places tout le monde ! Le cours commence ! S'écria une voix.
Je détachais vivement mon regard de lui pour le planter sur ma table, il partait à sa place sans un mot. Là, tout de suite, j'aurais voulu m'échapper, me cacher, mais j'en étais incapable, oui, incapable, une fois encore...
-Ouvrez vos livres page 215 !
Un brouhaha envahissait la classe, on pouvait entendre des livres s'entrechoquer contre les tables, des pages se tourner, des chuchotements accentuant mon mal de tête.
-Lolita, tu peux nous lire le texte de la page ?
J'étais nerveuse, je repensais à Morgan, où est-ce qu'il allait m'emmener ?
-Lolita ?
Je ne voulais pas aller à l'hôpital, ça me faisait peur. Tous ces spécialistes qui pensaient savoir quelque chose de ce que j'endurais, ils étaient stupides. Pour eux, ils suffisaient simplement de me droguer avec leurs médicaments pour que tout aille mieux.
-Lolita ?
Je sursautais avant de relever vivement la tête vers Mr Faraize.
-Hein ?
-Je t'écoute.
-Je... je ne sais pas. Soufflais-je.
-Tu ne sais pas quoi ? Je t'ai juste demandé de lire le texte.
J'entrouvrais la bouche, ne comprenant rien. Quel texte ? Je posais mes yeux sur ma table, je n'avais aucun livre devant moi, ni même un cahier ou une trousse. Je regardais les autres élèves, nerveuse, qui eux s'impatientaient ou alors haussaient un sourcil, se demandant ce qu'il m'arrivait.
-Je peux le lire monsieur ? Fit Rosalya.
-Oui, vas-y.
Je m'enfonçais dans ma chaise, embarrassée. Qu'est-ce qu'il me prenait ? Et pourquoi je sentais un regard pesant sur moi ?
...
Adossée au mur devant le lycée, j'attendais Morgan dans le froid. Rosalya avait tant bien que mal essayé de me parler tout le long de la matinée, et ce n'est pas que je ne voulais pas, mais je ne pouvais pas lui répondre. Ma tête était ailleurs, comme si mon esprit avait été emporté loin, très loin d'ici. J'étais vide. Je regardais les élèves passer devant moi, je me sentais invisible à leurs yeux. Un fin nuage frôlait alors mon visage, accompagné d'une forte odeur de nicotine. Je tournais lentement la tête, ses cheveux rouges, ses traits fins et durs à la fois, ses yeux d'un gris à vous en faire frissonner. Il se tenait là, une cigarette se consumant entre ses lèvres, les écouteurs dans les oreilles et le regard perdu dans l'horizon. Puis, sans même un coup d'½il vers moi, il retirait un de ses écouteurs avant de me le tendre, je le prenais, effleurant sa main froide. Fermant les yeux, je me laissais emporter par cette douce mélodie. "Creep", cette chanson me parlait, elle me disait à quel point j'étais bizarre, que je n'avais rien à faire là. I'm a creep, I'm a weirdo, oui, je suis bizarre, je suis une cinglée. Je veux un corps parfait, je veux une âme parfaite, j'espère être spéciale, mais je suis une cinglée.
A suivre...