

Immobile dans l'encadrement de la porte, j'observai Rosalya avec une pointe d'appréhension. Depuis quand était-elle là ? Qu'est-ce qu'elle avait entendu ? Je priais pour qu'elle n'ait pas eu écho de notre conversation, mais en vue de sa réaction, je me faisais peu d'espoir.
-Je...Je suis désolée. Je voulais pas... Balbutia-t-elle.
Je la regardais, incapable de bouger. Elle avait tout entendue ? Non... Non ! Une montée de stress envahissait mon être. Elle savait tout, j'en suis sûr ! Ça allait recommencer ! Elle allait raconter ça à tout le monde, ils me prendront alors pour une folle, puis un par un, ils s'acharneront sur moi, je serais le bouc-émissaire comme avant. Pour une fois dans ma vie, j'aurais voulue être considérée comme une lycéenne normale, sans que personne ne soit au courant. Je sentais ma lèvre inférieure trembler, imaginant toutes les choses qui allaient de nouveau recommencer. Des flashs passaient en boucle dans ma tête, les images de mon corps frêle se faisant bousculer de tout les côtés, les insultes fusant de part et d'autre du lycée, les rires moqueurs et les enseignants fermant les yeux sur le calvaire dans lequel je vivais. Tout ça allait se répéter. Mon corps entier tremblait, je voulais pleurer, mais rien ne sortait, bloquée par la terreur.
-Lolita... Je ne savais pas. Je suis désolée, je n'aurais pas dû écouter. Fit-elle tristement. Je devais voir Mme Clavel et alors que je m'apprêtais à frapper, je vous ai entendue. Je suis désolée.
Je l'écoutais à moitié, encore déconcertée par ce qu'il se passait.
-Écoute, je ne connais pas grand-chose de... de ton problème. Mais si tu veux en parler, je suis là. Ajouta-t-elle d'un ton hésitant.
J'en avais assez entendu. Lui en parler pour quoi ? Pour qu'elle se moque de moi et qu'elle en fasse profiter ses amis ? Non, surement pas. Je voulais partir d'ici, s'en était trop. Reprenant peu à peu le contrôle de mes mouvements, je me mis à courir dans le couloir bousculant inconsciemment la jeune fille.
-Lolita attend ! S'écria Rosalya.
Je courais à en perdre haleine, évitant un par un les élèves se trouvant sur mon passage. J'haletais alors que mes larmes coulaient le long de mes joues.
-S'il te plaît, attend !
Laissez-moi tranquille ! Vous ne me comprendrez jamais ! Je parcourais les couloirs du lycée, tous les élèves se tournaient sur mon passage, ils devaient surement se demander pourquoi la cinglée courrait à s'en faire exploser les poumons tout en se vidant de ses larmes. Perdant peu à peu mon souffle, je mis fin à ma course effrénée en m'appuyant contre le mur derrière une rangée de casiers, ma respiration était saccadée, ne pouvant plus retenir le poids de mon corps, je me laissais glisser le long du mur pour finir à genoux au sol. J'étais épuisée, l'eau salée coulait sans retenue sur mes joues rouge pour finalement s'écraser sur le carrelage froid.
Mes sanglots devenaient tellement important que des gémissements s'échappaient de ma bouche, je ne pouvais me retenir. J'allais revivre un enfer à cause d'une personne qui s'était trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.
-Lolita ! Fit une voix essoufflée.
Rosalya m'avait poursuivie, elle s'accroupit et posa une main sur mon épaule, je n'avais même plus la force de la repousser.
-Je suis désolée, je ne savais pas que tu allais réagir comme ça. Je ne sais pas quoi dire, j'aimerais t'aider.
M'aider ? Comment cette fille pouvait m'aider alors que des spécialistes n'étaient même pas foutus de le faire ?
-Lolita... ?
Elle aimerait m'aider. Ces mots résonnaient dans ma tête, ils sonnaient faux. Mes sanglots se transformaient soudainement en légers ricanements alors que mes yeux inondés fixaient le sol. Mes poings se crispèrent, ravalant mes larmes, je pointais mon regard sur elle en arborant un sourire carnassier.
-M'aider ? Lançai-je entre deux rires méprisant. M'aider ?
Perdant peu à peu la raison, mes mains empoignèrent le col de Rosalya. Ses yeux s'agrandissaient sous la surprise et alors que je la secouais légèrement, j'enchaînais sur un ton menaçant.
-Tu veux m'aider ? Hein ! Tu veux m'aider ? Mais personne le peut ! Personne ! M'écriai-je.
-Lolita, calme-toi... Fit-elle apeurée.
Le regard effrayé qu'elle me lançait me fit comme une décharge dans tout le corps. Qu'est-ce que j'étais en train de faire ? Pourquoi j'agissais ainsi ? Le regard emplit d'incompréhension, immobile pendant quelques secondes, je relâchais l'emprise que j'avais sur elle alors que ma vue se brouillait.
-C'est impossible. Murmurais-je en baissant la tête.
Rosalya posait alors ses mains sur mes joues, m'obligeant à la regarder. Pourquoi j'étais incapable de bouger ? Ses pouces essuyaient doucement les larmes qui s'étaient de nouveau laissées tomber. Je la regardais, désemparée. Je me sentais pitoyable.
-Laisse-moi t'aider. Souffla-t-elle.
Je sentais alors le poids de la souffrance de ces trois dernières années s'écraser sur mes épaules. Pourquoi elle voulait aider une personne comme moi ? Je suis pourtant si inutile, je suis un fardeau pour tous ceux qui m'entoure. Mon corps tremblait, ça pesait lourd, trop lourd. Je m'effondrai alors, prenant mon visage entre mes mains et laissant libre cours à mes larmes de couler. Je n'en pouvais plus. Deux bras fins venaient alors enlacer mon être qui semblait si fragile. Je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance, si je pouvais compter sur elle, mais à l'instant présent, aussi étonnant que cela puisse paraître, sa présence me rassurait, oui, elle me rassurait.
-Laisse-toi aller. Dit-elle doucement.
Elle resserrait son étreinte, passant une main dans mes cheveux. J'essayais de calmer mes tremblements, en vain.
-Ça va aller, calme-toi. On doit aller en cours, tu viens ?
Je me défaisais de son étreinte, essuyant mes larmes d'un revers de main.
-Laisse-moi seule. Murmurais-je.
-Ne reste pas seule, viens avec moi.
-Je veux être seule.
-Lolita...
-Laisse-moi ! M'écriai-je.
Elle me regardait, surprise, puis une lueur de tristesse traversa ses yeux ambrés. Je ne voulais pas de sa pitié, je n'en avais pas besoin.
-Je serais là si tu as besoin. Fit-elle avant de se lever et sortir de mon champ de vision.
Je fixais alors le sol, les étudiants passaient à côté de moi sans même me prêter attention et c'était mieux comme ça.
-Hé ! Qu'est-ce que tu fous par terre ?
Je levais mes yeux rougis et gonflés vers la personne qui m'avait parlé. Castiel, il arborait encore ce petit sourire en coin, mais alors qu'il scrutait mon visage, je crus apercevoir un changement d'expression dans son regard. Il était bizarre. Et sans un mot de plus, il partit, me laissant seule une fois de plus. Je soupirais et me relevais à mon tour, me dirigeant d'un pas lourd vers ma classe. À l'intérieur, la moitié de mes camarades étaient déjà installés. Je balayais la salle du regard et marchais jusqu'à une table vide dans le fond de la classe. Rosalya me jetait un regard rempli de compassion alors que je m'installais. Quelques minutes après les autres élèves prenaient place dans la salle, un bruit de chaise sur ma droite attirait mon attention, je tournais la tête et vis un garçon aux cheveux bleus et portant des lentilles roses s'asseoir à mes côtés. Je le détaillais, son style m'intriguait.
-Salut ! Moi c'est Alexy ! Lança-t-il en souriant à pleine dents.
Il approchait alors son visage plus près du mien, arborant un air plus sérieux.
-Tu fais une allergie à quelque chose ? Tes yeux sont tout rouges et gonflés.
J'étais perdue dans la contemplation de son visage, je n'arrivais pas à m'en défaire. Il agitait alors sa main devant mes yeux.
-Eh, tu m'entends ?
-Fous-lui la paix un peu Alexy. Lança une autre voix masculine.
Je tournais mon regard vers celle-ci. Un brun aux yeux d'un bleu clair assit devant s'était retourné vers nous. Il ressemblait étrangement à ce fameux Alexy. Il me lançait un sourire amical.
-Excuse-le, il n'est pas très délicat.
-Hé ! Qu'est-ce que tu racontes Armin ! C'est pas vrai ! Rétorqua le concerné.
-T'es une grosse brute ! Ria le dénommé Armin.
Je les regardais se chamailler, silencieuse. Ils semblaient si proches, je les enviais.
-Bonjour à tous ! S'écria une voix qui ne m'était pas inconnue.
Mr Faraize s'était placé derrière son bureau, les bavardages cessaient peu à peu, laissant place au silence.
-Bon, aujourd'hui pas d'histoire, mais un cours un peu spéciale.
Mon c½ur ratait un battement à l'entente de ses mots. Ça y est, il allait en parler. Les yeux rivés sur lui, je triturais de mes doigts fins le tissu de mes vêtements comme à mon habitude. Il prit dans sa main une fine craie blanche et commençait à écrire en lettre majuscule sur le tableau les lettres suivantes.
SCHIZOPHRÉNIE
Un frisson me parcourait le corps, lire ce mot me faisait froid dans le dos.
-Et pourquoi la schizophrénie m'sieur ? Lança une métisse au fond de la salle.
-Ordre de la directrice, Kim. Et vous savez mieux que moi qu'on ne discute pas avec les décisions de celle-ci. Fit Mr Faraize avec un petit sourire. Et puis, s'intéresser un peu plus sur ce qui nous entoures et acquérir plus de connaissances n'a jamais fait de mal à personne !
Comme l'avait dit Mme Clavel, il n'avait pas parlé de moi. Ça me rassurait, mais j'avais encore cette peur au ventre. Comment allait se dérouler le cours ?
-Bon, comme vous avez pu le voir, aujourd'hui, nous allons parler de la maladie nommée "Schizophrénie". Tout d'abord, c'est quoi pour vous la schizophrénie ? Que connaissez-vous de cette maladie ? Je vous écoute.
-C'est pas un dédoublement de personnalité, un truc dans le genre ? Lança un garçon aux cheveux châtains.
-Non Kentin, pas vraiment. Quelqu'un d'autre ?
-C'est des cinglés ces gens-là, faut les faire interner. Fit une voix féminine dans le plus grand des calmes.
-Ambre ! Si c'est pour dire de telles choses, tu peux garder le silence ! S'écria le prof.
J'avais un pincement au c½ur en les écoutants. J'étais pourtant habituée à entendre ce genre de chose, mais ça faisait toujours aussi mal. Mon regard vide fixait la table devant moi, j'allais devoir être forte pour ne rien faire paraître. Cette heure allait être longue.
-Mais c'est vrai ! Genre, ils entendent des voix qui leur disent de tuer et ces tarés, ils le font ! Rajouta Ambre.
-Ambre ça suffit ! Ces personnes ne sont pas des tarés comme tu le dis !
Je sentais un regard peser sur moi, je tournais légèrement la tête, Rosalya me regardait avec une pointe de tristesse. Je détournais alors le mien en soupirant.
-Bon, je vais vous expliquer, parce que vous n'avez pas l'air bien informés à propos de ça. Je crois que Mme Clavel a eu une bonne idée. Dit-il d'un air exasperé. Alors, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas un dédoublement de la personnalité, mais les schizophrènes perçoivent la réalité d'une manière différente. Ça provoque des désorganisations du psychisme qui entraîne des hallucinations, des délires, et des modifications du langage et du comportement. Les malades ont fréquemment de graves difficultés de communication avec les autres. Entre l'apparition des premiers symptômes et la stabilisation du traitement, les schizophrènes perdent fréquemment le contact avec leurs amis, et leurs relations sociales se réduisent.
Je baissais la tête, c'était dur d'entendre tout ça. Je repensais à ma vie d'avant, cette vie qui me rendait heureuse, accompagnée de mes amis et ma famille. Tout ça c'était fini.
-Les schizophrènes n'ont pas toujours conscience de leur maladie, c'est ce qu'on appelle "l'anosognosie". Est-ce que quelqu'un parmis vous a un proche atteint de schizophrénie ?
Tous firent "non" de la tête. Je jetais un coup d'½il à Rosalya qui elle, semblait être perdue, le regard rivé au sol.
-Bien, nous allons maintenant passer aux symptômes, la partie la plus importante. En connaissez-vous quelques-uns ?
-Les hallucinations ! Lança Alexy à côté de moi.
-Tout à fait ! Et quels genres d'hallucinations Alexy ?
-Ils entendent des voix.
-Exactement. Les schizophrènes entendent des voix qui peuvent commenter leurs comportements, les juger, les insulter, les avertir de dangers imaginaires ou leur ordonner d'accomplir certains actes.
Ils semblaient tous choqués par ce qu'ils entendaient, et pourtant, c'était vrai.
-Mais il y a aussi les hallucinations visuelles, ils peuvent voir des entités non-réelles. En deuxième partie, il y a les délires. Les malades souffrent de symptômes de type paranoïde, se sentent persécutés, trompés, harcelés, espionnés, ou ont l'impression que les autres lisent dans leurs pensées.
-C'est bien ce que je dis, c'est des taré.
-Ambre !
-Change de disque Ambre. Ajouta Armin d'un ton las.
C'était difficile de ne pas réagir à ça, il n'y aurait eu que moi, ma main se serait déjà écrasée sur son visage de poupée. Elle ne pouvait pas comprendre ma souffrance, elle ne le comprendrait jamais. Pour elle, nous n'étions que de vulgaire "taré" dénué de toute conscience.
-Je ne veux plus t'entendre Ambre ! Fit-il d'un ton autoritaire. Bon, ensuite nous avons les troubles de la pensée et du langage. Le malade peut s'arrêter net au milieu d'une phrase et en commencer une nouvelle sans aucun rapport avec la précédente. Son discours devient incohérent. Il arrive aussi qu'il ne parvienne plus à interpréter correctement des mots pourtant courants. C'est pourquoi la communication est difficile.
-C'est trop bizarre... Rétorqua Alexy.
Plus le cours avançait et plus j'étais mal à l'aise. Ils ne savaient pas à quel point leurs mots pouvaient blesser. Mais je ne pouvais rien y faire, je ne voulais pas éveiller les soupçons. Je me renfermais sur moi-même, priant pour que ça se termine au plus vite.
-De nombreuses attitudes peuvent se retrouver chez les schizophrènes, par exemple des gestes impulsifs, des mouvements répétés, des sourires ou des rires sans rapport avec la situation. Les schizophrènes peuvent être en constant déplacement, toujours actif, ou au contraire rester assis, rigides, silencieux et immobiles pendant des heures.
-Comme ceux qu'on voit dans les asiles qui se balancent d'avant en arrière ! Remarqua l'asiatique assise aux côtés d'Ambre.
-Hum, eh bien, ça peut arriver oui. Répondit Mr Faraize en se grattant nerveusement l'arrière du crâne. Aussi, ils peuvent paraître insensibles, froids, distants, dépourvu d'émotions. Ils ont généralement une grande sensibilité et un fort besoin d'affection, mais il existe une différence totale entre leurs émotions et la façon dont ils les expriment. Vous avez des questions ?
-Est-ce que ça se guérit ?
Je relevais vivement la tête à l'entente de cette voix. C'était Rosalya.
-On ne peut pas vraiment faire guérir quelqu'un de la schizophrénie, mais on peut l'aider à atténuer les symptômes avec des médicaments appelés neuroleptiques. L'activité physique a aussi un effet positif sur la santé du patient.
Notre professeur prenait maintenant une pile de feuilles posées sur son bureau et se plaçait devant nous.
-Bon, je crois vous avoir tout dit, ou du moins, l'essentiel. J'aimerais maintenant vous donner un petit questionnaire, je voudrais que vous y répondiez franchement. Ce sont des questions en rapport avec votre ressentis concernant cette maladie. Soyez honnêtes.
Il faisait passer les feuilles de table en table, tout le monde commençaient à la remplir, mais moi, j'étais perdue dans mes pensées. Je ressassais dans ma tête tout ce qui avait été dit. C'était clair maintenant, ils allaient nous prendre encore plus pour des fous, pour des cas à faire interner. Les yeux rivés sur ma feuille, je me revoyais dans mon ancien lycée, me faisant insulter et persécuter par tous mes camarades devant les professeurs qui préféraient tout ignorer, comme des lâches. Oui, c'était des lâches.
-Je...Je suis désolée. Je voulais pas... Balbutia-t-elle.
Je la regardais, incapable de bouger. Elle avait tout entendue ? Non... Non ! Une montée de stress envahissait mon être. Elle savait tout, j'en suis sûr ! Ça allait recommencer ! Elle allait raconter ça à tout le monde, ils me prendront alors pour une folle, puis un par un, ils s'acharneront sur moi, je serais le bouc-émissaire comme avant. Pour une fois dans ma vie, j'aurais voulue être considérée comme une lycéenne normale, sans que personne ne soit au courant. Je sentais ma lèvre inférieure trembler, imaginant toutes les choses qui allaient de nouveau recommencer. Des flashs passaient en boucle dans ma tête, les images de mon corps frêle se faisant bousculer de tout les côtés, les insultes fusant de part et d'autre du lycée, les rires moqueurs et les enseignants fermant les yeux sur le calvaire dans lequel je vivais. Tout ça allait se répéter. Mon corps entier tremblait, je voulais pleurer, mais rien ne sortait, bloquée par la terreur.
-Lolita... Je ne savais pas. Je suis désolée, je n'aurais pas dû écouter. Fit-elle tristement. Je devais voir Mme Clavel et alors que je m'apprêtais à frapper, je vous ai entendue. Je suis désolée.
Je l'écoutais à moitié, encore déconcertée par ce qu'il se passait.
-Écoute, je ne connais pas grand-chose de... de ton problème. Mais si tu veux en parler, je suis là. Ajouta-t-elle d'un ton hésitant.
J'en avais assez entendu. Lui en parler pour quoi ? Pour qu'elle se moque de moi et qu'elle en fasse profiter ses amis ? Non, surement pas. Je voulais partir d'ici, s'en était trop. Reprenant peu à peu le contrôle de mes mouvements, je me mis à courir dans le couloir bousculant inconsciemment la jeune fille.
-Lolita attend ! S'écria Rosalya.
Je courais à en perdre haleine, évitant un par un les élèves se trouvant sur mon passage. J'haletais alors que mes larmes coulaient le long de mes joues.
-S'il te plaît, attend !
Laissez-moi tranquille ! Vous ne me comprendrez jamais ! Je parcourais les couloirs du lycée, tous les élèves se tournaient sur mon passage, ils devaient surement se demander pourquoi la cinglée courrait à s'en faire exploser les poumons tout en se vidant de ses larmes. Perdant peu à peu mon souffle, je mis fin à ma course effrénée en m'appuyant contre le mur derrière une rangée de casiers, ma respiration était saccadée, ne pouvant plus retenir le poids de mon corps, je me laissais glisser le long du mur pour finir à genoux au sol. J'étais épuisée, l'eau salée coulait sans retenue sur mes joues rouge pour finalement s'écraser sur le carrelage froid.
Mes sanglots devenaient tellement important que des gémissements s'échappaient de ma bouche, je ne pouvais me retenir. J'allais revivre un enfer à cause d'une personne qui s'était trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.
-Lolita ! Fit une voix essoufflée.
Rosalya m'avait poursuivie, elle s'accroupit et posa une main sur mon épaule, je n'avais même plus la force de la repousser.
-Je suis désolée, je ne savais pas que tu allais réagir comme ça. Je ne sais pas quoi dire, j'aimerais t'aider.
M'aider ? Comment cette fille pouvait m'aider alors que des spécialistes n'étaient même pas foutus de le faire ?
-Lolita... ?
Elle aimerait m'aider. Ces mots résonnaient dans ma tête, ils sonnaient faux. Mes sanglots se transformaient soudainement en légers ricanements alors que mes yeux inondés fixaient le sol. Mes poings se crispèrent, ravalant mes larmes, je pointais mon regard sur elle en arborant un sourire carnassier.
-M'aider ? Lançai-je entre deux rires méprisant. M'aider ?
Perdant peu à peu la raison, mes mains empoignèrent le col de Rosalya. Ses yeux s'agrandissaient sous la surprise et alors que je la secouais légèrement, j'enchaînais sur un ton menaçant.
-Tu veux m'aider ? Hein ! Tu veux m'aider ? Mais personne le peut ! Personne ! M'écriai-je.
-Lolita, calme-toi... Fit-elle apeurée.
Le regard effrayé qu'elle me lançait me fit comme une décharge dans tout le corps. Qu'est-ce que j'étais en train de faire ? Pourquoi j'agissais ainsi ? Le regard emplit d'incompréhension, immobile pendant quelques secondes, je relâchais l'emprise que j'avais sur elle alors que ma vue se brouillait.
-C'est impossible. Murmurais-je en baissant la tête.
Rosalya posait alors ses mains sur mes joues, m'obligeant à la regarder. Pourquoi j'étais incapable de bouger ? Ses pouces essuyaient doucement les larmes qui s'étaient de nouveau laissées tomber. Je la regardais, désemparée. Je me sentais pitoyable.
-Laisse-moi t'aider. Souffla-t-elle.
Je sentais alors le poids de la souffrance de ces trois dernières années s'écraser sur mes épaules. Pourquoi elle voulait aider une personne comme moi ? Je suis pourtant si inutile, je suis un fardeau pour tous ceux qui m'entoure. Mon corps tremblait, ça pesait lourd, trop lourd. Je m'effondrai alors, prenant mon visage entre mes mains et laissant libre cours à mes larmes de couler. Je n'en pouvais plus. Deux bras fins venaient alors enlacer mon être qui semblait si fragile. Je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance, si je pouvais compter sur elle, mais à l'instant présent, aussi étonnant que cela puisse paraître, sa présence me rassurait, oui, elle me rassurait.
-Laisse-toi aller. Dit-elle doucement.
Elle resserrait son étreinte, passant une main dans mes cheveux. J'essayais de calmer mes tremblements, en vain.
-Ça va aller, calme-toi. On doit aller en cours, tu viens ?
Je me défaisais de son étreinte, essuyant mes larmes d'un revers de main.
-Laisse-moi seule. Murmurais-je.
-Ne reste pas seule, viens avec moi.
-Je veux être seule.
-Lolita...
-Laisse-moi ! M'écriai-je.
Elle me regardait, surprise, puis une lueur de tristesse traversa ses yeux ambrés. Je ne voulais pas de sa pitié, je n'en avais pas besoin.
-Je serais là si tu as besoin. Fit-elle avant de se lever et sortir de mon champ de vision.
Je fixais alors le sol, les étudiants passaient à côté de moi sans même me prêter attention et c'était mieux comme ça.
-Hé ! Qu'est-ce que tu fous par terre ?
Je levais mes yeux rougis et gonflés vers la personne qui m'avait parlé. Castiel, il arborait encore ce petit sourire en coin, mais alors qu'il scrutait mon visage, je crus apercevoir un changement d'expression dans son regard. Il était bizarre. Et sans un mot de plus, il partit, me laissant seule une fois de plus. Je soupirais et me relevais à mon tour, me dirigeant d'un pas lourd vers ma classe. À l'intérieur, la moitié de mes camarades étaient déjà installés. Je balayais la salle du regard et marchais jusqu'à une table vide dans le fond de la classe. Rosalya me jetait un regard rempli de compassion alors que je m'installais. Quelques minutes après les autres élèves prenaient place dans la salle, un bruit de chaise sur ma droite attirait mon attention, je tournais la tête et vis un garçon aux cheveux bleus et portant des lentilles roses s'asseoir à mes côtés. Je le détaillais, son style m'intriguait.
-Salut ! Moi c'est Alexy ! Lança-t-il en souriant à pleine dents.
Il approchait alors son visage plus près du mien, arborant un air plus sérieux.
-Tu fais une allergie à quelque chose ? Tes yeux sont tout rouges et gonflés.
J'étais perdue dans la contemplation de son visage, je n'arrivais pas à m'en défaire. Il agitait alors sa main devant mes yeux.
-Eh, tu m'entends ?
-Fous-lui la paix un peu Alexy. Lança une autre voix masculine.
Je tournais mon regard vers celle-ci. Un brun aux yeux d'un bleu clair assit devant s'était retourné vers nous. Il ressemblait étrangement à ce fameux Alexy. Il me lançait un sourire amical.
-Excuse-le, il n'est pas très délicat.
-Hé ! Qu'est-ce que tu racontes Armin ! C'est pas vrai ! Rétorqua le concerné.
-T'es une grosse brute ! Ria le dénommé Armin.
Je les regardais se chamailler, silencieuse. Ils semblaient si proches, je les enviais.
-Bonjour à tous ! S'écria une voix qui ne m'était pas inconnue.
Mr Faraize s'était placé derrière son bureau, les bavardages cessaient peu à peu, laissant place au silence.
-Bon, aujourd'hui pas d'histoire, mais un cours un peu spéciale.
Mon c½ur ratait un battement à l'entente de ses mots. Ça y est, il allait en parler. Les yeux rivés sur lui, je triturais de mes doigts fins le tissu de mes vêtements comme à mon habitude. Il prit dans sa main une fine craie blanche et commençait à écrire en lettre majuscule sur le tableau les lettres suivantes.
SCHIZOPHRÉNIE
Un frisson me parcourait le corps, lire ce mot me faisait froid dans le dos.
-Et pourquoi la schizophrénie m'sieur ? Lança une métisse au fond de la salle.
-Ordre de la directrice, Kim. Et vous savez mieux que moi qu'on ne discute pas avec les décisions de celle-ci. Fit Mr Faraize avec un petit sourire. Et puis, s'intéresser un peu plus sur ce qui nous entoures et acquérir plus de connaissances n'a jamais fait de mal à personne !
Comme l'avait dit Mme Clavel, il n'avait pas parlé de moi. Ça me rassurait, mais j'avais encore cette peur au ventre. Comment allait se dérouler le cours ?
-Bon, comme vous avez pu le voir, aujourd'hui, nous allons parler de la maladie nommée "Schizophrénie". Tout d'abord, c'est quoi pour vous la schizophrénie ? Que connaissez-vous de cette maladie ? Je vous écoute.
-C'est pas un dédoublement de personnalité, un truc dans le genre ? Lança un garçon aux cheveux châtains.
-Non Kentin, pas vraiment. Quelqu'un d'autre ?
-C'est des cinglés ces gens-là, faut les faire interner. Fit une voix féminine dans le plus grand des calmes.
-Ambre ! Si c'est pour dire de telles choses, tu peux garder le silence ! S'écria le prof.
J'avais un pincement au c½ur en les écoutants. J'étais pourtant habituée à entendre ce genre de chose, mais ça faisait toujours aussi mal. Mon regard vide fixait la table devant moi, j'allais devoir être forte pour ne rien faire paraître. Cette heure allait être longue.
-Mais c'est vrai ! Genre, ils entendent des voix qui leur disent de tuer et ces tarés, ils le font ! Rajouta Ambre.
-Ambre ça suffit ! Ces personnes ne sont pas des tarés comme tu le dis !
Je sentais un regard peser sur moi, je tournais légèrement la tête, Rosalya me regardait avec une pointe de tristesse. Je détournais alors le mien en soupirant.
-Bon, je vais vous expliquer, parce que vous n'avez pas l'air bien informés à propos de ça. Je crois que Mme Clavel a eu une bonne idée. Dit-il d'un air exasperé. Alors, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas un dédoublement de la personnalité, mais les schizophrènes perçoivent la réalité d'une manière différente. Ça provoque des désorganisations du psychisme qui entraîne des hallucinations, des délires, et des modifications du langage et du comportement. Les malades ont fréquemment de graves difficultés de communication avec les autres. Entre l'apparition des premiers symptômes et la stabilisation du traitement, les schizophrènes perdent fréquemment le contact avec leurs amis, et leurs relations sociales se réduisent.
Je baissais la tête, c'était dur d'entendre tout ça. Je repensais à ma vie d'avant, cette vie qui me rendait heureuse, accompagnée de mes amis et ma famille. Tout ça c'était fini.
-Les schizophrènes n'ont pas toujours conscience de leur maladie, c'est ce qu'on appelle "l'anosognosie". Est-ce que quelqu'un parmis vous a un proche atteint de schizophrénie ?
Tous firent "non" de la tête. Je jetais un coup d'½il à Rosalya qui elle, semblait être perdue, le regard rivé au sol.
-Bien, nous allons maintenant passer aux symptômes, la partie la plus importante. En connaissez-vous quelques-uns ?
-Les hallucinations ! Lança Alexy à côté de moi.
-Tout à fait ! Et quels genres d'hallucinations Alexy ?
-Ils entendent des voix.
-Exactement. Les schizophrènes entendent des voix qui peuvent commenter leurs comportements, les juger, les insulter, les avertir de dangers imaginaires ou leur ordonner d'accomplir certains actes.
Ils semblaient tous choqués par ce qu'ils entendaient, et pourtant, c'était vrai.
-Mais il y a aussi les hallucinations visuelles, ils peuvent voir des entités non-réelles. En deuxième partie, il y a les délires. Les malades souffrent de symptômes de type paranoïde, se sentent persécutés, trompés, harcelés, espionnés, ou ont l'impression que les autres lisent dans leurs pensées.
-C'est bien ce que je dis, c'est des taré.
-Ambre !
-Change de disque Ambre. Ajouta Armin d'un ton las.
C'était difficile de ne pas réagir à ça, il n'y aurait eu que moi, ma main se serait déjà écrasée sur son visage de poupée. Elle ne pouvait pas comprendre ma souffrance, elle ne le comprendrait jamais. Pour elle, nous n'étions que de vulgaire "taré" dénué de toute conscience.
-Je ne veux plus t'entendre Ambre ! Fit-il d'un ton autoritaire. Bon, ensuite nous avons les troubles de la pensée et du langage. Le malade peut s'arrêter net au milieu d'une phrase et en commencer une nouvelle sans aucun rapport avec la précédente. Son discours devient incohérent. Il arrive aussi qu'il ne parvienne plus à interpréter correctement des mots pourtant courants. C'est pourquoi la communication est difficile.
-C'est trop bizarre... Rétorqua Alexy.
Plus le cours avançait et plus j'étais mal à l'aise. Ils ne savaient pas à quel point leurs mots pouvaient blesser. Mais je ne pouvais rien y faire, je ne voulais pas éveiller les soupçons. Je me renfermais sur moi-même, priant pour que ça se termine au plus vite.
-De nombreuses attitudes peuvent se retrouver chez les schizophrènes, par exemple des gestes impulsifs, des mouvements répétés, des sourires ou des rires sans rapport avec la situation. Les schizophrènes peuvent être en constant déplacement, toujours actif, ou au contraire rester assis, rigides, silencieux et immobiles pendant des heures.
-Comme ceux qu'on voit dans les asiles qui se balancent d'avant en arrière ! Remarqua l'asiatique assise aux côtés d'Ambre.
-Hum, eh bien, ça peut arriver oui. Répondit Mr Faraize en se grattant nerveusement l'arrière du crâne. Aussi, ils peuvent paraître insensibles, froids, distants, dépourvu d'émotions. Ils ont généralement une grande sensibilité et un fort besoin d'affection, mais il existe une différence totale entre leurs émotions et la façon dont ils les expriment. Vous avez des questions ?
-Est-ce que ça se guérit ?
Je relevais vivement la tête à l'entente de cette voix. C'était Rosalya.
-On ne peut pas vraiment faire guérir quelqu'un de la schizophrénie, mais on peut l'aider à atténuer les symptômes avec des médicaments appelés neuroleptiques. L'activité physique a aussi un effet positif sur la santé du patient.
Notre professeur prenait maintenant une pile de feuilles posées sur son bureau et se plaçait devant nous.
-Bon, je crois vous avoir tout dit, ou du moins, l'essentiel. J'aimerais maintenant vous donner un petit questionnaire, je voudrais que vous y répondiez franchement. Ce sont des questions en rapport avec votre ressentis concernant cette maladie. Soyez honnêtes.
Il faisait passer les feuilles de table en table, tout le monde commençaient à la remplir, mais moi, j'étais perdue dans mes pensées. Je ressassais dans ma tête tout ce qui avait été dit. C'était clair maintenant, ils allaient nous prendre encore plus pour des fous, pour des cas à faire interner. Les yeux rivés sur ma feuille, je me revoyais dans mon ancien lycée, me faisant insulter et persécuter par tous mes camarades devant les professeurs qui préféraient tout ignorer, comme des lâches. Oui, c'était des lâches.

Alors que je me laissais envahir par ces sombres pensées, la sonnerie retentissait. Je voulais sortir d'ici, j'avais besoin de prendre l'air. Empoignant mon sac, je me précipitais vers la sortie. Je poussais la grande porte pour atterrir dans la cour. Peu à peu d'autres élèves envahissaient cette dernière. Le vent dans les cheveux, je fermais les yeux pour respirer cet air frais, ça faisait du bien. Je me dirigeai vers un grand arbre où je m'y adossais.
-Salut ma belle.
Je tournais la tête et mon regard se posait sur Dakota. Il se mit en face de moi et nos visages étaient maintenant à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sentais la chaleur me monter aux joues. Je le regardais dans les yeux et sans savoir vraiment pourquoi, j'étais contente qu'il soit là. Il me fit son sourire le plus charmeur.
-Tu as des yeux magnifiques. Susurra-t-il.
C'est la première fois qu'on me disait ça. Il était tellement gentil.
-Merci Dakota. Murmurai-je.
-Tu peux m'appeler Dake. Sourit-il.
-Dake...
Il levait sa main droite et la posait sur ma joue qu'il caressait doucement. Je ne savais pas comment réagir, je n'avais jamais eu de tels contacts avec un garçon, c'était intimidant mais très agréable.
-Tu me fais confiance Lolita ?
Je le regardais dans le blanc des yeux, envoûtée par son regard bleu azur.
-Bien sûr. Soufflai-je.
Il arborait un sourire en coin, satisfait de ma réponse.
A suivre...
-Salut ma belle.
Je tournais la tête et mon regard se posait sur Dakota. Il se mit en face de moi et nos visages étaient maintenant à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sentais la chaleur me monter aux joues. Je le regardais dans les yeux et sans savoir vraiment pourquoi, j'étais contente qu'il soit là. Il me fit son sourire le plus charmeur.
-Tu as des yeux magnifiques. Susurra-t-il.
C'est la première fois qu'on me disait ça. Il était tellement gentil.
-Merci Dakota. Murmurai-je.
-Tu peux m'appeler Dake. Sourit-il.
-Dake...
Il levait sa main droite et la posait sur ma joue qu'il caressait doucement. Je ne savais pas comment réagir, je n'avais jamais eu de tels contacts avec un garçon, c'était intimidant mais très agréable.
-Tu me fais confiance Lolita ?
Je le regardais dans le blanc des yeux, envoûtée par son regard bleu azur.
-Bien sûr. Soufflai-je.
Il arborait un sourire en coin, satisfait de ma réponse.
A suivre...
Arpenteur-du-fleuve, Posté le mercredi 05 août 2015 09:23
J'aime beaucoup ! C'est bien documenté, bien écrit, on est loin de la plupart des clichés de lycée. Franchement j'adore, et du coup j'aimerais bien faire partie des prévenus.
Voilà-voilà, c'était tout :)